Les commentateurs européens ont qualifié de « gifle violente » assénée au moteur de recherche Google la décision rendue par la justice luxembourgeoise en faveur du soi-disant droit « d’être oubliés » que possèdent des utilisateurs de la toile.
Il s’agit de la possibilité qu’ont les citoyens d’exiger de Google et des autres moteurs de recherche l’effacement des données périmées ou non conformes à la réalité qui sont stockées dans la mémoire électronique.
L’expression « le droit d’être oublié » (Right to be forgotten) qu’on appelle dans la vie de tous les jours « la gomme électronique » a été introduite par le juriste autrichien Viktor Mayer-Schönberger. Il a notamment proposé d’attribuer aux données à caractère personnel qui sont stockées dans la mémoire électronique la date et une sorte de « durée de validité » passée laquelle elles seraient automatiquement effacées des archives. La Commission Européenne utilise ce principe depuis 2011 mais comme il n’est pas fixé juridiquement, les données personnelles ne sont partiellement effacées que dans certaines conditions déterminées.
Le tribunal a statué sur le recours exercé par un utilisateur espagnol qui a découvert dans la mémoire de Google ses données personnelles vieilles de 16 ans. C’était l’annonce publiée dans le journal La Vanguardia concernant la vente de sa maison à titre de recouvrement d’une créance. L’Espagnol a attaqué en justice le journal et le moteur de recherche américain en faisant valoir que cette information n’était plus d’actualité et violait son droit au secret de la vie privée. La justice espagnole a fait masse de 180 recours similaires et en a saisi la Cour de Justice de l’UE qui a statué en faveur des requérants. Les experts ont fait valoir que ce verdict a ceci d’important qu’il met le point final au long débat sur le droit de l’individu à la protection des donnes personnelles qui prévaut sur l’intérêt public pour ce genre d’information.
D’ailleurs, de nombreux experts doutent de la réalité d’application du verdict. Premièrement, il ne concerne pas les prestataires des réseaux sociaux qui possèdent également les archives électroniques et, deuxièmement, comme nous avons dit plus haut, les utilisateurs ne peuvent exiger l’effacement de telles ou telles données que « dans des conditions déterminées ». Mais il existe un autre aspect évoqué dans une interview par Markus Beckedahl, fondateur allemand de la conférence internet Republica :
« Prenons, par exemple, le cas des hommes politiques ou des personnalités publiques accusés de corruption qui ont purgé leur peine et souhaitent mettre la croix sur le passé. Est-ce que le fait que leurs données personnelles puissent être consultées par tout le monde répond à l’intérêt général? Bref, cela implique un tas d’interrogations. »
De toute façon, la décision rendue par le Cour de Justice de l’UE est une victoire itermédiaire remportée sur le chemin qui mène à la loi renouvelée sur la protection des données personnelles et un méta-message aux participants des futurs débats sur le projet de ce document. On peut seulement se demander si ce message sera entendu et correctement interprété par les nouveaux législateurs qui siégeront au Parlement Européen après la consultation électorale de mai.