‘Nous ne voulons pas payer pour les informations ni tolérer la publicité’
L’industrie des médias, déjà affaiblie, est confrontée à une nouvelle menace: celle posée par ce que l’on appelle les « adblockers », les applications pour empêcher l’affichage de fenêtres publicitaires sur l’écran de l’internaute, lorsqu’il surfe sur le web. Ces applications sont souvent proposées sous la forme d’extensions du navigateur. Les publicités bloquées – elles sont en fait masquées – peuvent prendre toutes les formes : bannières, annonces textuelles, vidéos ou articles sponsorisés, et seul le contenu gratuit demeure visible. Comme la publicité est invisible, les éditeurs des sites ne peuvent plus bénéficier des revenus liés au « nombre de clics », c’est à dire à la fréquentation de leur site.
La semaine dernière, lors d’une conférence organisée pour les éditeurs à Londres, plusieurs participants ont sonné l’alarme. Selon une analyse de Google Trends, la demande pour ce programme a augmenté de plus de 300% au cours des deux dernières années.
Les internautes qui utilisent les adblockers – et qui refusent également de payer pour les contenus – coupent ainsi la dernière source de revenus vitale pour l’éditeur. Avec le message « nous ne voulons pas payer pour les informations ni tolérer la publicité», ils condamnent à la disparition des sites qui les intéressent.
Les représentants des réseaux publicitaires ont aussi soulevé une autre problématique. Selon l’un d’eux, le problème se concentrerait principalement en Europe occidentale. Détail intéressant: certains fabricants d’ordinateurs installent maintenant le logiciel par défaut sur les nouveaux ordinateurs. En janvier 2013, le second fournisseur d’accès internet français, Free, a même mis en place une mise à jour qui a automatiquement éliminé toutes les publicités provenant du réseau Google Adsense, mais il a été stoppé par la Commission européenne. Free propose désormais de bénéficier d’un adblocker sur option.
PageFair, un cabinet de recherche irlandais qui aide les entreprises à mesurer l’influence des adblockers, a mené une étude sur 220 sites. Il a établi que 22,7% des internautes auraient déjà installé de tels logiciels, ce qui signifie qu’un site qui se finance par la publicité a déjà perdu en moyenne un quart de son chiffre d’affaires.
Selon ce cabinet, l’utilisation de ces logiciels progresse de 43% par an. Les adblockers ont aussi déjà trouvé leur place dans les navigateurs mobiles. 6% des internautes mobiles en auraient déjà installé un sur le leur. Selon PageFair, si la tendance se poursuit au même rythme, le marché de la publicité sur Internet aura cessé d’exister en 2018.
Le rapport montre également que ce sont principalement les joueurs et les amateurs de technologie (30%) qui installent les adblockers, sans doute parce qu’ils ont un savoir-faire plus technique (ils connaissent l’existence de ces applications et ils savent comment les télécharger et les utiliser). Dans le segment des actualités et de la finance, pour le moment, environ 15% des internautes les utilisent. La conclusion de Neil O’Connor, le CEO de PageFair est sans appel:
« La plupart des gens qui installent un adblocker n’ont aucune idée de la façon dont ils nuisent aux (petits) éditeurs. Ils les font couler »
PageFair recommande donc aux éditeurs d’éviter de diffuser des publicités perturbatrices et bruyantes, qui peuvent déranger les internautes, et les inciter à adopter un adblocker. Il leur conseille également d’éduquer les internautes sur le rôle de la publicité dans leur business-model, en leur expliquant que la publicité est nécessaire pour payer les factures et conserver un site gratuit. A moins qu’ils n’acceptent de payer pour accéder aux contenus des sites, bien sûr…